La Politique, L'Histoire, La Mort et Moi.

Publié le par Oscar

"...Heureux à cet égard les historiens qui ne s'interessent qu'à des temps abolis ! Le risque  est plus grand encore si l'entreprise postule la continuité d'hier à aujourd'hui :  chaque événement qui surgit menace de remettre en question l'explication avancée, qui risque de sortir accablée de la confrontation avec l'évolution qui se poursuit."
René Rémond, Les Droites en France, préface à l'édition de 1982.

J’ai appris avec un peu de retard la mort de René Rémond. Pour certains, pour une grande partie, cette mort n’a que peu d’importance. Pas plus alors que celles (trop discrètes) de Paul Ricœur ou de Lucie Aubrac.
Pour ceux qui n’ont jamais entendu parler de lui, jetez un œil sur Wikipédia.
 

 

Cette mort ne me « touche » pas affectivement, ni même intellectuellement. Comment être triste pour celui que l’on ne connaît pas ? Comment être triste face à la grandeur de son œuvre ?
J’avais à l’égard de cet historien un certain sentiment d’accomplissement. La façon avec laquelle il a réussit à marquer son temps en même temps que l’histoire de notre temps est stupéfiante. L’Académie Française, fut pour lui la suite logique d’un parcours classique, magistralement mené. Pour l’anecdote, la rumeur voudrait que le premier mot sur lequel il du se pencher fut le mot « merde ».
 
Si cette mort me touche, c’est plus par la symbolique de cette date.
 
Pour comprendre cela il faut remonter à ma fringante seizième année, jeune bachelier, j’aspirais alors à posséder le monde. A cette fin, je me plongeais activement dans Introduction à l’histoire de notre temps, un délice. Cours vieux(1974), rapide, parfois déroutant pour un jeune bachelier… Pourtant c’était l’été, j’ai lu chacun des trois tomes d’une traite, au soleil, ne pouvant me résigner à aller benoîtement à la plage sans avoir achevé ce « cours ».
 
Le livre m’avait été conseillé, je ne connaissais pas alors R.R. Je demandais de fait, à mon oncle, d’une érudition infinie, qui était ce quidam qui venait tout bonnement de réduire à néant une après-midi de vacances ensoleillée !  Et lui de me répondre :
« …un vieux que l’on ressort à chaque élections pour commenter les résultats sur les plateaux télé…il doit sucrer les fraises maintenant…mais c’est sympa son truc… »
…il parlait bien sûr du livre précédemment cité que je tenais alors à la main.
 
René Rémond a alors été pour moi ce livre et l’image de ce vieux sage qui commente, au dessus- de la mêlé les tribulations démocratiques des français.
 
Sa mort, une semaine avant le premier tour d’une présidentielle est symptomatique. Peut-être n’aurait-il pas supporté de commenter cette dernière campagne dont « jamais la forme n’eut autant d’importance ... » (formule employé dans les médias avant même que celui qui la prononce ne se mette à commenter cette même forme).
 Pour quelqu’un comme moi qui crois dans la politique, la pauvreté du débat n’a en partie, d’égale que celle des intervenants politiques ou non.
Dans un dernier geste d’historien, René Rémond s’est retiré : cette fois-ci,
Non, il ne cautionnera pas la démagogie et le simplisme d’une campagne de communication.
Non, cette année, il renonce, décision difficile, facétieuse peut-être même.
Non, cette année il ne commentera pas, il ne peut qu’avertir.
Non, cette année nous sommes seuls face à nous même.
 
Certains parlent d’une mort qui perd de l’importance par rapport à l’enjeu politique de la semaine. Au contraire, cette mort a d’autant plus d’importance cette semaine, comme un dernier moyen de rappeler aux français que ce qu’ils font a un sens, qu’il appartient à l’historien d’expliquer, mais que c’est à eux de donner.
 

 

Publié dans oscarpacioli

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